PhilemonPhilémon (vol. 16) de Fred

 

26 ans après le précédent est enfin paru (le 22 février dernier) le seizième et ultime épisode de l'emblématique série de Philémon [« Le train où vont les choses... »]. Et 5 semaines plus tard (le 2 avril) son créateur Fred, son devoir accompli, disparaissait à l'âge de 82 ans... Il avait interrompu sa série au mitan des années 80, frappé d'une dépression qui le priva de son inspiration. Les premières planches du seizième volume étaient pourtant achevées, mais Fred avait perdu la flamme. « On n'a plus assez de musique en nous pour faire danser la vie, voilà » aurait pu lui dire Louis-Ferdinand Céline... Fred n'avait plus assez de musique en lui pour faire danser Philémon, son jeune héros à marinière, né en 1965 dans le magazine « Pilote (mâtin, quel journal !) ».

 

L'évènement est passé relativement inaperçu. Pourtant Fred, avec nonchalance et un infini détachement, a donné leurs lettres de noblesse à l'inessentiel et à l'incongruité. En méprisant par son comportement le culte de la réussite, de la vitesse et de la réactivité, idoles de ce monde inique qu'on nous impose d'adorer. En inventant un univers mouvant sur lequel il pose un regard tendre et respectueux. Et surtout en révolutionnant les codes de la bande dessinée : planches et cases, découpage, phylactères et lettrages, superpositions et collages, tout lui était terrain de jeu et d'expérimentation. Fred était un des grands poètes de la BD : son monde fait de mélancolie douce, de folie innocente et de nostalgie sereine résonne en nous comme une plainte d'avant le désastre. Pourquoi cette impression subsiste-t-elle longtemps après l'ouvrage refermé ?

 

Denis LLAVORI

 

Iznéo, 5,99 € pour acquérir une version électronique de chaque album