Véronique VERNETTE, Illustratrice
Biographie
Véronique Vernette est née à Marseille en 1972. De Valence, où elle passe une partie de son enfance, à Saint-Etienne, où elle suit des études à l'école des Beaux-Arts et obtient au terme d'un cursus de cinq ans un Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (DNSEP), le dessin l'a toujours accompagnée. "Elle ne se souvient pas n'avoir jamais dessiné". C'est ainsi que Brigitte Cazeaux, son éditrice chez Points de suspension, se plaît à la présenter. Dès l'âge de sept ans, elle prend des cours de dessin. Plus tard, lors de vacances à la montagne, elle se revoit passant le plus clair de son temps à observer la nature qui l'entoure avant de noircir de croquis ses carnets qui ne la quittaient jamais. Elle en a gardé un goût prononcé pour l'observation et une capacité à saisir et à rendre le plus fidèlement possible des expressions, des sensations, des instantanés de vie… Depuis, le dessin fait partie intégrante de la vie de cette jeune femme, au point qu'elle reconnaît qu'il lui est devenu vital! "J'ai toujours dessiné et n'imagine pas arrêter, même si c'était pour mon seul plaisir et besoin !"
Dès son plus jeune âge, Véronique Vernette ressent une attirance inexplicable pour l'Afrique. "J'ai toujours eu envie d'y aller." Pendant des années, elle va se documenter sur l'Afrique, lire de nombreux livres sur la culture et l'art africains, visiter des expositions, visionner des films… En 1991, alors qu'elle vient tout juste d'obtenir son diplôme, son rêve se réalise enfin. Dans le cadre d'un chantier européen, elle s'envole pour l'Afrique. Elle ne regrettera jamais d'avoir saisi cette opportunité qui lui a permis de découvrir le Burkina Faso qu'elle ne quittera plus vraiment depuis, y séjournant trois à six mois par an! Sur place, elle a rencontré de nombreux artistes, conteurs et artisans qui lui ont montré et raconté leur pays comme aucun livre n'aurait pu le faire. Lors de ce premier voyage, Véronique Vernette est séduite par la vie au Burkina Faso et plus particulièrement à Ouagadougou, capitale du pays où elle séjourne. Elle a ainsi réuni un grand nombre de photos, images, impressions et croquis de petites scènes du quotidien qu'elle a pris plaisir à dessiner, installée dans la rue tandis qu'un attroupement se formait petit à petit autour d'elle: les enfants qui jouent dans la rue, les mamans… C'est l'occasion, pour elle, de discuter avec la population locale… Ce sont des moments privilégiés comme ceux là que Véronique Vernette apprécie et qui réapparaissent, sous une autre forme, dans les albums qu'elle écrit une fois de retour en France. C'est sûrement là, la plus belle façon que pouvait trouver Véronique Vernette pour conjuguer sa passion pour le dessin et l'Afrique.
Cocorico Poulet Piga, le premier album de Véronique Vernette et le plus connu, paru en 1999 aux éditions Points de suspension, est ainsi né de l'envie de raconter ses voyages, de montrer les dessins qu'elle en rapporte, de faire partager aux enfants tout ce "fouillis d'images" qui lui vient à l'esprit lorsqu'elle pense au Burkina Faso, et leur faire découvrir l'effervescence de la vie quotidienne en Afrique à travers l'histoire de Piga, un poulet que l'on emmène au grand marché de Ouagadougou pour être vendu. Après avoir voyagé dans un bus bondé, Piga arrive à Ouagadougou où le marché bat son plein dans la cacophonie générale, sur fond de trocs et marchandages. Heureusement, Piga parvient à s'enfuir à travers le labyrinthe des nombreuses petites baraques.
Découverte pour le public, ce premier album s'avéra également être une véritable révélation pour Véronique Vernette puisque la jeune femme ne se destinait pas, jusqu'alors, à écrire pour les enfants. "Au départ mon envie était plutôt de faire des livres illustrés pour adultes, mais cela étant rare, je me suis tournée vers la jeunesse et j'ai écrit en fonction de cet âge "à viser"." Mais elle reste intimement convaincue que la plupart de ses albums peuvent aussi s'adresser aux adultes, pourvu qu'ils n'aient pas tout perdu de leur âme d'enfant et qu'ils aient gardé une part de cette légèreté enfantine qui permet d'entrer dans l'univers de ses livres…
Depuis Cocorico Poulet Piga une dizaine d'albums a suivi, tantôt sur le thème de l'Afrique qui reste la principale source d'inspiration de cet auteur, tantôt sur les thèmes de l'amitié (L'amie pour la vie d'Ava aux éditions Autrement, 2001), du dessin (Les couleurs d'Eugène édité chez Frimousse en 2000) ou encore des affres de la création et de l'écriture avec La petite fabrique d'histoires aux éditions Points de suspension (2003) qui raconte, avec beaucoup d'humour, comment un grand faiseur d'histoires à l'imagination fantaisiste et débordante, se débat avec des personnages tous aussi originaux, farfelus et incontrôlables les uns que les autres (le chat-martien, la princesse-volante…) pour inventer une histoire inédite qui plaira aux enfants. Véronique Vernette a d'ailleurs écrit cette histoire pour répondre aux enfants qui n'avaient de cesse de lui demander "Comment naissent les histoires?"
Véronique Vernette est souvent éditée chez Points de suspension, la maison d'édition qui l'a fait découvrir au grand public et avec laquelle elle a construit au fil des années et des parutions une véritable relation de travail et de confiance."Peu à peu, je crois qu'on a découvert qu'on avait envie de travailler dans un même état d'esprit, un même but, ce qui a donné lieu à plusieurs albums. […] Je propose régulièrement des albums à peu près terminés, textes et images." Elle apprécie la liberté que lui laisse son éditrice, Brigitte Cazeaux, tout en attachant une grande importance au regard que cette dernière porte sur son travail. "Points de suspension est une petite maison qui fait vivre les livres, bien au-delà de leur parution, grâce à des événementiels, des expositions. Ils soutiennent beaucoup leurs auteurs." Véronique Vernette travaille également sur commande pour des éditeurs tels que Lito pour qui elle a réalisé les illustrations du petit livre J'écris des mots avec les autocollants en 2001, des Contes d'Afrique en 2002 et des Fables de la Fontaine en 2004, même si l'approche est totalement différente. "Il y a une grande différence entre un texte que j'ai écrit moi-même et un texte qui m'a été donné lorsque je dois les illustrer. Je ne me les approprie pas de la même manière, je ne m'y plonge pas de la même façon. Je m'amuse beaucoup plus à faire les images car je sais mieux pourquoi et comment je les construis. Les textes sont plus faits sur le ressenti, en comprenant moins pourquoi ils tiennent (ou pas) debout! Mais quand le texte est là, je prends aussi beaucoup de plaisir dans son rapport avec l'image. L'image n'est pas seulement là pour être redondante du texte, mais pour raconter, elle aussi, quelque chose. On s'y balade et on y "lit" des choses que le texte ne nous livre pas forcément. A l'inverse, tout ce qui est dit dans le texte n'est pas nécessairement représenté dans l'image. Mes textes seuls ne me suffisent pas. Un livre d'images seules me paraît en revanche envisageable!"
Les projets ne manquent pas à cette jeune femme qui vient de publier aux éditions du Jasmin, Contes burkinabés, des textes qu'elle avait recueillis lors d'un voyage au Burkina Faso. "Il y a toujours une idée qui me trotte dans la tête… Un livre-CD avec un musicien, une histoire à finir soi-même dans laquelle le lecteur interviendrait, …" Et quel plaisir de les voir enfin se concrétiser et aboutir comme ce fut le cas pour Moi, j'attendais la pluie, fin 2004, qui raconte l'histoire d'une petite fille africaine qui a décidé de ne pas quitter la cour de sa maison tant qu'il n'aurait pas plu, tandis que la vie suit son cours avec le passage du masta (couturier ambulant) et du livreur de bois! Comme cette petite fille qui désespérait de voir enfin tomber la pluie, cet album attendait depuis des mois d'être publié lorsqu'il a été choisi par la Ville de Nanterre pour être offert à tous les enfants de maternelle de la ville à Noël. A cette occasion, une exposition autour de l'œuvre de Véronique Vernette a été mise en place dans les locaux de la bibliothèque municipale afin de faire découvrir aux enfants l'univers graphique des albums de cet auteur ainsi que les couleurs et les images de l'Afrique qui lui sont chères. Dans chaque espace, les responsables de l'exposition avaient veillé à recréer le décor de chaque album: une maison à ciel ouvert pour Moi, j'attendais la pluie, un garage pour Chez Adama, mécanique générale ou un labyrinthe d'étals pour le marché d'Ouagadougou dans Cocorico Poulet Piga. Les enfants pouvaient également retrouver, tout au long du parcours de l'exposition, des originaux, des croquis de personnages, des images et des photos prêtés par l'auteur.
Les interventions de Véronique Vernette auprès du jeune public ne s'arrêtent pas là. Si elle participe à de nombreux évènements et manifestations autour du livre jeunesse (salons du livre,…), elle se déplace dans les écoles et les bibliothèques que ce soit au Burkina Faso ou en France pour parler de ses albums, de ses voyages, de son métier d'auteur-illustrateur, mais aussi, et c'est ce qu'elle préfère, pour mettre en place des ateliers-dessin où elle s'applique à montrer aux enfants ses techniques pour ensuite les faire travailler sur les couleurs, les formes et les matières. "Ces interventions donnent lieu à des échanges extrêmement intéressants et enrichissants. […] C'est une occasion de discuter sur ce qu'est l'illustration, sur ce que je pense que doit être un livre pour enfant, sur ce qui plaît aux enfants…". Sa conception du livre jeunesse tend à évoluer au gré de ces rencontres, mais c'est surtout au contact de sa fille, née fin 2004, que sa perception et son approche de la production jeunesse ne sont plus tout à fait les mêmes. "Je comprends mieux l'univers enfantin et je sens que le regard que je porte sur les livres pour enfants évolue."
Cette jeune femme attachante, au parcours artistique original, passionnée pour l'Afrique, semble avoir encore bien des projets pour émerveiller les enfants par des dessins et des histoires venues d'ailleurs.
Analyse de l'œuvre et du style :
D'album en album, Véronique Vernette est parvenue à imposer un style qui lui est propre, tant du point de vue de l'écriture que du graphisme. Elle a fait sa marque de fabrique des dessins naïfs et enfantins qui caractérisent tous ses albums. En effet, ses illustrations ne sont pas sans rappeler les dessins que les enfants font à la maternelle et au primaire sur leurs cahiers de poésie. Tout comme les enfants, Véronique Vernette a sa propre définition de l'espace, des formes, des proportions… Elle ne respecte pas les contours des dessins faits au trait, elle légende ses illustrations avec des flèches et adopte des points de vue inhabituels (contre-plongée). Ses dessins regorgent de détails dans une mise en espace où la perspective est gommée. "Je représente assez peu les perspectives traditionnelles car je dessine les espaces que je reconstruis d'après mes souvenirs. C'est pour cela que mes dessins fourmillent de panneaux indicatifs, comme autant de repères cartographiques." Véronique Vernette crée ainsi l'image dans l'image. C'est justement ce fourmillement qui fait la richesse graphique de ses albums dans lesquels elle s'approprie puis réinterprète les dessins, croquis et souvenirs accumulés lors de ses voyages en Afrique.
Son style si dense et insolite à la fois se prête à merveille à la peinture de l'Afrique urbaine d'aujourd'hui à laquelle elle se livre dans Cocorico poulet Piga, Chez Adama, mécanique générale ou bien encore dans Moi, j'attendais la pluie. Rares sont les livres pour enfants qui montrent une telle représentation de l'Afrique où les vélos, les bus, les chariots et autres images animées de la ville remplacent la savane, les singes, les éléphants, les sorciers et les griots…
Dans ses albums aux couleurs vives, Véronique Vernette décrit, au plus près, le quotidien des habitants de la ville, témoigne de la vie économique et rend avec un souci d'authenticité évident les pratiques culturelles en Afrique. Rien n'est laissé au hasard, jusqu'au sucre "la gazelle" ou au savon "kisenbon". L'image qui occupe toujours une double-page, recèle de petits détails qui offrent plusieurs niveaux de lecture et impliquent plus que jamais le lecteur dans l'histoire. La lecture s'apparente alors à une chasse au trésor dans laquelle l'enfant prendra plaisir à rechercher tous les éléments plus ou moins dissimulés qui, ajoutés les uns aux autres, libèrent tout le sens de l'histoire. Dans ses albums, Véronique Vernette recense tous les objets du quotidien, toutes les odeurs et couleurs, tous les bruits caractéristiques de l'Afrique. C'est sûrement ce qui amène Brigitte Cazeaux à comparer quelques-uns des albums de Véronique Vernette à des "inventaires à la Prévert".
Son écriture qui est très simple, très imagée et emplie d'humour, se fond dans l'image. Véronique Vernette aime en appeler à tous les sens du lecteur et n'hésite pas à user d'onomatopées ou tout autre procédé pour rendre, par exemple, le brouhaha ambiant qui règne au marché d'Ouagadougou: "Le petit bus se noie dans la ville pleine de bruits. Tohu-Bohu, klaxons, jurons." Le texte et les illustrations interagissent l'un sur l'autre et se complètent, entraînant le petit lecteur dans un récit rythmé et endiablé. Le texte, posé de manière libre dans l'illustration dans une typographie originale, suit ainsi les formes, les courbes et les ondulations du dessin de telle sorte qu'il semble faire partie intégrante de l'illustration et vice-versa.
Les enfants se glissent aisément dans ce style qui leur semble proche et familier puisque faisant appel à des codes qu'ils utilisent eux-mêmes. Ils parviennent ainsi à s'identifier aux petits personnages auxquels Véronique Vernette donne vie dans ses albums.
Les albums de Véronique Vernette constituent "une œuvre de témoin hors du commun qui invite le lecteur à parcourir un pays magique et attachant", dixit Brigitte Cazeaux.
Anne Godin (étudiante en DUT métiers du livre à l’IUT Paris) 11/04/2005