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Deux coussins d’autels de l’église de Bredons sont protégés au titre des Monuments Historiques depuis 2017. Ces objets sont rares d’autant plus ceux-ci, fabriqués au XVIIe en cuir polychrome et doré. Leurs décors et leur provenance les rendent exceptionnels.
Cuirs de Cordoue
Les cuirs travaillés, polychromes et dorés dits « de Cordoue » ont connu une grande diffusion en Europe au XVIIe et au XVIIIe siècle.
Apportée par les Maures, la technique apparut en Espagne au Moyen Âge ou les peaux de chèvres ou de bouc étaient tannées, puis nourries et assouplies. D’une grande finesse de grain, souple, plastique et recevant bien les teintures, ce cuir fut d’abord utilisé pour la fabrication d’accessoires vestimentaires. Il fut ensuite décoré avec différentes techniques et il recouvrit les parois des coffres, habilla les paravents et se généralisa au XVIe siècle sur les murs des palais espagnols, sous la forme de tentures élaborées à partir d’éléments cousus ensemble.
Technique et histoire
La technique du « guadameci » autre terme pour les décors de type « Cordoue », connut son apogée dans la péninsule ibérique à partir du XVe siècle et se répandit rapidement dans toute l’Europe. Cette technique consistait à appliquer sur la fleur du cuir une feuille d’argent recouverte d’un vernis jaune qui donnait à la surface une apparence dorée. Le décor était ensuite créé par polychromie et par des reliefs obtenus en frappant la surface à l’aide de « petits fers » fers à marquer chauffés et appliqués sur le cuir.
À la fin du XVIe siècle, une nouvelle technique se développa aux Pays-Bas: la préparation du cuir et sa « dorure » étaient les mêmes, mais les motifs décoratifs étaient appliqués sous presse à partir de matrices aux décors taillés en creux. Cette nouvelle technique du cuir gaufré était plus économique et permettait la réalisation de décors plus complexes. Son succès fut vif et rapide.
Les cuirs de Bredons appartiennent à la première catégorie et ces cuirs non gaufrés conservés jusqu’à nos jours sont très rares, et la forme de coussin l’est encore plus. Les objets ont été découverts dans le grenier de l’église de Bredons. Une face est décorée alors que l’autre est lisse. Sur le revers lisse, les coutures originales de l’assemblage des pièces de cuir sont observables. Sur l’avers, la dorure est très endommagée et seuls persistent quelques fragments. Céline Bonnot-Dicone, spécialiste de la restauration du cuir souligne que la feuille d’argent, dont les carrés se sont oxydés en formant une sorte de "trame", est encore bien visible.
Décor
Le décor est géométrique, semé de groupes de quatre larmes noires disposées symétriquement. La polychromie est complétée par des lignes rouges soulignant les larmes et formant un décor de volutes aujourd’hui presque totalement effacé. Les larmes noires sont rehaussées sur toute leur surface par de petites incisions ciselées de cercles concentriques. Sur le fond, on observe un décor ciselé en "oeil de coq" (cercles concentriques de plus grande taille) qui forme des lignes courbes et des motifs en forme de fleurs.
Provenance
Jean-Pierre Fournet spécialiste français des cuirs travaillés, identifie les coussins de Bredons comme une production italienne du XVIIe siècle qu’il définit de la manière suivante : « Les cuirs dorés italiens de cette période avaient des caractéristiques bien particulières : ils étaient habituellement plats – donc sans reliefs – et abondamment ciselés aux petits fers ; les motifs étaient précisément limités par un trait continu noir ou rouge sombre ; les fonds étaient tantôt dorés (ou argentés) tantôt rouge sombre "lie de vin", les deux teintes pouvant d’ailleurs coexister».
Fréquemment utilisés pendant les époques anciennes, nous ne connaissons aujourd’hui que très peu de coussins d’autels. Il s’agit d’objets relativement plats, posés sur l’autel par l’officiant et destinés à recevoir et à caler les livres sacrés grands et lourds aux reliures fragiles. Ils sont très rares en France et l’on ne connait d’autres exemples que dans le Lot et dans les Alpes Maritimes.
La rareté de la forme des coussins en cuir a amené Céline Bonnot-Dicone à s’interroger sur l’élaboration de ces objets : s’agit-il de coussins conçus comme tels ou bien de réutilisation de pièces de cuir provenant d’un autre objet ? Après une inspection minutieuse des coutures anciennes encore très bien conservées, Jean-Pierre Fournet confirme qu’il s’agit bien d’une conception originale et non de la réutilisation postérieure de fragments d’antependium (tenture ou parement d’étoffe couvrant le devant -parfois les quatre faces- de l’autel) ou autre tenture de cuir décoré. Il ajoute que la finesse et la régularité des coutures caractéristiques des ateliers de production de cuir décoré indiquent que les objets ont été confectionnés en Italie avant d’être acheminés vers la France, et non fabriqués localement avec des peaux italiennes.
Pour en savoir plus :
Véronique Breuil-Martinez et Guilaine Pons "Bredons : quelques objets retrouvés", Revue de Haute-Auvergne, T. 71, octobre-décembre 2009.
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