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Fixation de la couche picturale par Bruno Tilmant dAuxy avant le transport jusquà latelier Pascale ChappotSobre et élégante, la chapelle romane de Saignes (classée Monument Historique en 1921) domine le village éponyme situé dans la vallée de la Sumène.

Un des trésors de cette chapelle est un tableau représentant la Vierge, inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1999.

 

avantDescription de l'œuvre

C’est une huile sur toile mesurant 1,75 m de hauteur par 1,13 m de largeur.
Elle représente une Vierge en prière agenouillée derrière un prie-Dieu. Cette dernière vêtue d'une robe rouge et d'un manteau bleu (les couleurs et leur symbolique sont évoquées dans l’article sur sainte Anne trinitaire de l’église de Marcolès) dont le plissé retombe sur les bras. Sa tête est couverte d'un voile transparent à peine perceptible.
Un halo de lumière, émanant de la tête de la Vierge, attire l'œil sur son visage alors que l'arrière-plan est sombre et uni.
En bas à gauche figure le monogramme « A. P. ».
La finesse d'exécution des traits du visage et des mains est frappante.

 

Détail du visage de la Vierge avant restauration par B. Tilmant dAuxy Pascale ChappotLa restauration était urgente

Ce tableau était dans un état de conservation plus que préoccupant : déchiré à de nombreux endroits, la peinture était largement écaillée et certains motifs avaient même disparu.
La municipalité de Saignes, aidée par l'association Guides Tourisme Auvergne (GTA) et le service de la Conservation des Antiquités et Objets d’Art (CAOA) du Cantal, a œuvré pour la restauration de ce tableau. Ce projet a reçu les autorisations nécessaires et des financements publiques (Etat-DRAC, Conseil Départemental du Cantal et Région AuRa) sans oublier une opération de mécénat avec l'ouverture d'une souscription chapeautée par la Fondation du Patrimoine.
D’autres œuvres, conservées dans la chapelle, devraient suivre le même dessein dans les années à venir.

 

Les restaurateurs : artisans du renouveau

Le cadre a été restauré par Anaïs Gailhbaud et la toile par Bruno Tilmant d’Auxy-Tatischeff (comme pour la restauration du tableau de la crucifixion de la commune de Saint-Antoine) de novembre 2015 à novembre 2016.

 

Commençons par la fin : le cadre !

Le cadre est originel et date du XIXe siècle. Il a été réalisé en bois de résineux (peu cher). Après révision puis dépoussiérage de la structure en bois, un traitement contre les insectes dévorant le bois et les champignons a été appliqué. Ensuite les dorures fragilisées et se détachant du cadre ont pu être refixées. Un nettoyage a précédé le collage et le serrage du cadre, car ce dernier était écarté. Par la suite, les peintures à la détrempe sur les côtés ont été retouchées. La dorure dite à la bronzine (constituée de pigments cuivreux) a été appliquée au niveau de la gorge du cadre et la dorure à la feuille d'or, présente sur la moulure intérieure, a bénéficié d'une reprise.

 

Détail du visage de la Vierge en cours de restauration Pascale ChappotPour la toile, l'opération fut très longue et bien plus complexe

Sur site, l'œuvre a fait l’objet d'un bref dépoussiérage accompagné de la pose de papier japon dans le but de limiter la perte de la couche picturale durant le transport entre la chapelle et l'atelier. Une fois dans son atelier, Bruno Tilmant d'Auxy a refixé complètement cette couche picturale. Pour cette opération, il a disposé la toile à plat sur une plaque chauffante pour ensuite y appliquer un fixatif. Puis vint le temps de la « couture » pour renforcer les parties déchirées. Une fois la toile consolidée, le restaurateur a appliqué un traitement insecticide et fongicide avant une opération de relaxation de la toile pour éliminer les déformations. L’étape suivante a consisté à combler les motifs disparus en « copiant » la technique du peintre. Le travail de restauration s’est finalisé le vernissage, c’est-à-dire par la pose d’un vernis protecteur.
Après 200 heures de travail - uniquement pour la toile - et la restauration du cadre, le tableau a retrouvé sa place dans la chapelle en 2016. L’œuvre a été sécurisée et fixée à 10 cm du mur pour qu’elle puisse « respirer ».

 

Tableau Saignes restauréQue savons-nous sur ce tableau ?

D’origine inconnue, cette huile sur toile est probablement issue d’une donation. Elle est citée comme faisant partie du mobilier dans un petit ouvrage sur la chapelle du château publié en 1922.

Bruno Tilmant d'Auxy, grâce à son travail minutieux et à sa grande connaissance de la peinture, nous livre de précieuses informations.

Cette œuvre daterait des années 1830-1850. La toile est en lin à maille large, elle a été tissée manuellement, puis enduite de craie et de caséine : cette préparation dite « maigre » absorbe le gras de la peinture pour donner un aspect lisse et transparent à la composition.
Le passage à l'imagerie infrarouge a révélé une toile rapiécée avant d'être peinte alors que le passage à l'ultra-violet fait apparaître une précédente restauration non datée. Au vu des matériaux utilisés, ce tableau a probablement été réalisé pour un intérieur ou pour une chapelle chauffée.

Signée en bas à gauche des initiales « A. P. », l’artiste reste à ce jour anonyme. La toile serait à priori de la main d’un seul et unique peintre, peut-être plus habitué aux petits formats car l’on peut observer des défauts de proportions.

L’étude du restaurateur a cependant permis de déterminer que cette scène – une Vierge en prière, thème très rarement représenté dans le Cantal - était inspirée de deux œuvres bien connues :

 

Les mains et le visage de la Vierge de Saignes sont une réplique quasi-parfaite de ce second tableau qui a servi de modèle pour recréer les manques de la toile.

 

Pour découvrir le tableau restauré, il suffit de s’inscrire aux visites guidées estivales de Saignes organisées par l’Office de tourisme de Sumène-Artense. La chapelle est uniquement ouverte à ces occasions.

 

Merci à la conservatrice des antiquités et objets d'art (CAOA) du Cantal pour la relecture et les précisions apportées.
Pascale Chappot, guide-conférencière

 

Pour en savoir plus :

- La Chapelle Sainte-Croix Notre-Dame-de-la-Nativité, dite Notre-Dame du Château de Saignes ;
- Notice pour la Conservation des antiquités et objets d'art rédigée avant la restauration ;
- Rapports de restauration du cadre et de la toile ;
- Guido Reni, Gérard-Julien Salvy, Collection Maîtres de l'art chez Gallimard, 2001 ;
- Il Sassoferrato, La devota bellezza, sous la direction de François Macé de Lépinay, Silvana Editoriale, en Italien et Anglais, 2017.

 

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