« Œuvres »
Philippe Jaccottet
(Ed. Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, janvier 2014)
Le landernau littéraire, prompt parfois à s’enticher d’un non-évènement à condition qu’il soit médiatique, saluait récemment l’entrée « de son vivant » d’un académicien charmant et charmeur dans la prestigieuse « bibliothèque de la Pléiade » des éditions Gallimard.
Quelques mois plus tôt, Philippe Jaccottet avait aussi connu cet honneur… Pourtant de cela on a peu parlé. Un poète, pensez donc ! Personne ne lit plus la poésie, et ce type est parfaitement inconnu du grand public. Il est pourtant bien vivant lui aussi et, au mois de janvier dernier en plein cœur de l’hiver, paraissait le 594ème volume la Pléiade consacré à son œuvre.
Jaccottet est un regardeur, pas un jouisseur.
Loin des fulgurances d’un Char, loin du baroque d’un Saint-John Perse, il relève du courant intimiste de la poésie contemporaine.
Comme tous les poètes, il cherche à faire partager au lecteur l’expression de son rapport à l’existence.
Un rapport profond, immédiat et fidèle. Immédiat, mais pas instinctif ni même spontané, fidèle mais jamais aveugle, profond mais pas enseveli.
Il faut lire Jaccottet, pour apprécier sa façon si personnelle d’être au monde, qui est fascinante.
Mélange de sensations, de sentiments et d’intellection, elle semble relever d’un équilibre parfait. Parfait, vraiment ? Ce qui « tient » la poésie de Jaccottet, c’est la délicatesse du toucher, l’effleurement. Il se pose sur les choses avec – comme aurait dit Pierre Bonnard – des ailes de papillon.
Il parvient à nous convaincre de la possibilité d’un regard intérieur : le poète n’observe pas le monde, il est partie du monde et y participe.
Ce n’est pas une question d’authenticité ni de neutralité, mais d’intégrité.
Le poète, missionné pour apporter un témoignage sur l’envers du monde, doit le faire sans trahir et sans traduire.
Insoluble équation qui explique l’inquiétude, légère mais persistante, qui traverse l’œuvre de Philippe Jaccottet.
Sa conception du rôle de la poésie :
Sa conception du rôle de la révolte :
Denis LLAVORI